Nota: n’étant ni généalogiste professionnel, ni paléographe, mais partageant seulement ma passion, je m’excuse auparavant pour les erreurs de transcription qui peuvent être présentes. J’ai appris la lecture des actes anciens en autodidacte et j’ai encore beaucoup de progrès à faire! Encore merci à Jean-François Viel pour ses remarques pertinentes!
Des documents notariaux que l’on peut être amené à consulter en effectuant nos recherches généalogiques, l’inventaire après décès et sans doute l’un des plus riches en information. De la composition de la famille, à l’ensemble des biens et effets d’un ancêtre, toutes ses informations peuvent se retrouver au sein de ce document. Pourtant, les archives notariales sont encore méconnues alors qu’elles n’ont jamais été autant accessibles qu’auparavant. Les futures numérisations d’archives vont permettre à chaque généalogiste de pouvoir on l’espère, les consulter aisément. Je vais donc vous les présenter rapidement avant d’analyser plus en détail l’intérêt de l’inventaire après décès.
1. Les archives notariales: rapide présentation.
Autrefois, le notaire occupait une place dans la société bien différente d’aujourd’hui. Si de nos jours, l’ensemble de la population à en générale moins affaire à cette institution, il en était tout autre chose auparavant. Les mariages, les transactions entre voisin, les décès tous ces moments de la vie pouvaient faire l’objet d’acte devant le notaire. Il était en effet important pour n’importe quelle famille de la noblesse aux personnes les plus modestes de pouvoir sécuriser l’ensemble de leurs biens, d’attester de leurs actifs et de pouvoir si possible les transmettre. Ainsi les archives des notaires peuvent contenir les actes suivant: testament, contrat de mariage, mise sous tutelle d’enfants mineurs, inventaire après décès, baux, transactions etc…
Le notariat présente aussi l’avantage de pouvoir permettre parfois de remonter au delà de l’état-civil et des registres paroissiaux. En effet, il n’est pas rare de trouver des fonds très anciens. Beaucoup de départements disposent d’archives notariales jusqu’aux 16e-17e siècles. Certains comme les Bouches-du-Rhône ou la Seine-Maritime en disposent jusqu’aux 14e voir 15e siècles! Toutefois, il faudra s’armer de patience et d’exercices pour réussir à déchiffrer les écritures de l’époque au fur et à mesure. A titre personnel, après 5 ans de recherche, j’arrive plutôt bien à lire les archives jusqu’environ 1630 pour le Pas-de-Calais. Parfois plus tôt selon les auteurs ou les régions.
Mais où les consulter?
Les archives notariales, comme l’ensemble des documents concernant les familles sont conservées pour la plupart dans la série E des archives départementales françaises. Elles sont librement communicables après 75 ans révolus. Cependant, il est à noter que ce cadre de classement s’applique en France! De plus, certaines villes comme Paris notamment, conservent leurs archives notariales dans d’autres fonds. Pour la capitale, il s’agit des Archives nationales.
Il faut ensuite connaitre le nom du notaire auprès duquel l’acte a été passé. Pour les villages de campagne, certains notaires regroupaient plusieurs villages, ce qui facilite la localisation. En revanche pour les villes, on peut facilement être dépassé par les nombreux notaires qui ont exercé au fil des siècles. Heureusement, un document, le répertoire permet de localiser facilement un acte. Ces documents systématisés au cours du 19e siècle regroupent le plus souvent par ordre chronologique l’ensemble des actes passés devant un notaire pour une année, décennie dite. Le numéro juxtaposé en marge permet de retrouver facilement l’acte voulu. Plus on remonte dans le temps, moins cette pratique est systématique ce qui nous poussera parfois à devoir consulter page par page le registre pour espérer trouver mention de nos ancêtres!

Répertoire. Archives du Pas-de-Calais
Ci-dessous, l’extrait du répertoire du notaire DUPONT à Boulogne-sur-Mer. On aperçoit en premier l’année. L’an 3 de la Révolution. Le mois: vendémiaire. Le numéro de l’acte: 3. Et l’intitulé de ce dernier: procuration d’Adrien Jean Guillaume DORRINGTON.
2. L’inventaire après décès:
Cet acte notarial est réalisé souvent peu de temps après le décès du défunt, même si certains peuvent être réalisés plusieurs mois ou années plus tard. Il faut donc partir de cet événement pour espérer savoir si l’inventaire a été réalisé devant notaire. Nous allons voir à présent par comparaison de deux inventaires effectués à des époques différentes que ce document a su conserver une structure particulière riche pour étoffer des biographies familiales, retrouvés des collatéraux et apprendre davantage sur les communautés dans lesquels nos ancêtres vivaient.
Pour cela les inventaires retenus sont les suivants:
- Inventaire après décès de Marie Catherine BASTIEN décédée le 1er mars 1861, épouse de Nicolas JEANDEL, et réalisé le 12 août 1864 à Senones (88), devant Augustin COMOND, notaire. Archives départementales des Vosges
- Inventaire après décès de Jacques YVART, décédé le 25 février 1676, époux d’Anne LELEU, et réalisé le 25 février 1677 à Samer (62) devant Pierre MIELLET, notaire. Archives départementales du Pas-de-Calais 4E128/21
Les deux actes permettent de mettent en avant des similitudes mais aussi des différences. L’une d’entre elles est qu’ils ont tous les deux été réalisés dans le cadre du remariage des conjoints veufs. Nicolas JEANDEL se remarie une semaine après, quant à Anne LELEU son mariage avec Pierre EVRARD a été conclu deux jours auparavant par contrat devant le même notaire.
L’introduction de l’inventaire:
En comparant les deux inventaires, on retrouve une structure similaire. D’abord la mention de la date. Ensuite la personne ayant requis l’inventaire. Dans les deux cas il s’agit des conjoints survivants. On mentionne ensuite les enfants mineurs et les héritiers des défunts. L’inventaire de l’Ancien Régime ne donne cependant pas les dates de naissance des enfants. En revanche, davantage de témoins sont cités dont les grands-parents et les oncles et tantes. L’inventaire du 19e siècle est réalisé par le notaire tandis que celui du 17e siècle est effectué par le notaire ainsi que deux notables locaux Juste BAUCHON et Oudar BEUVION.
Les deux actes mentionnent l’ensemble des effets concernés par cet acte et qui seront cités. De ce fait, l’inventaire permet de nous apprendre les biens, meubles, or, argent, bestiaux, grains, dettes actives et passives, facultés actives, passives, mobilières et immobilières détenus par la « communauté dissoute » (c’est-à-dire le couple marié) au moment dit. De quoi dresser un portrait sociologique et économique de nos ancêtres!


| « Du 25 février 1677 Inventaire prisée faite par devant les notaires royaux gardenotes héréd[itai]res au Comté et s[éné]ch[auss]ée du Boulonois residant au bourg de Samer estant soubsn(ign)ez a la requeste d’Anne LELEU veuve de feu Jacques YVART laboureur dem[eu]r[ant] au village de Berqueries parr[oiss]e de Tingry Fam? en son nom comme Mère et tutrice, créée au […] de corps et biens de Jeanne, Claude, Jacques, Marie, Robert, Antoine, Jacques YVART enfants mineurs du deff[un]t icelle à la poursuitte. En p[rése]nce de Pierre YVART laboureur dud[i]t Widihen leur oncle et cultivateur, de Jeanne DELEPLANQUE veuve de Nicolas YVART leur mère grand, de Piere CLENLEU lab[oureur] d[e]m[eurant] à Frencq mary en bail de Claude YVART leur tante, d’Antoine Leleu aussy lab[oureur] dem[eurant] aud[it] Widehen leur père grand du costé maternel et de francois LELEU aussy lab[oureur] d[e]m[eu]r[an]t à Nieubronne parr[oiss]e de Tingry leur oncle @ et parent assistant, de tous et chacuns les biens, meubles, or, argent, bestiaux, grains, [?], debte active et passives signalent detous offete delaissez après le trepas dud[it] feu Jacques qui estoit en sa communauté avec lad[ite] LELEU. Lesquelz biens ont esté representez, exhibez et mis en evidence par ladicte LELEU, veufve, et ses domestiques, après serment. Et ont este estimez et apportez, par Juste BAUCHON lab[oureur] dem[eurant] aud[it] lieu de Nieubronne féodal jugent en la justice dud[it] Tingry par Oudar BEUVION aussy lab[oureur] et M[ait]r[e] Mareschal dem[eurant] audit lieu de Widehen choisis de commun par les parties et après serment receu d’eux en tel cas requis de fidellem[en]t se comporte à lad[ite] estima[tio]n suivant leurs consciences et en egard au cour du temps ad este procedde co[mm]e ensuit : » | « Aujourd’hui vendredi douze août mil huit cent soixante quatre, huit heures du matin au Mont, canton de Senones, au domicile du S(ieur) Nicolas JEANDEL, tisserand. A la requête du susdit Nicolas JEANDEL agissant tant en son nom personnel pour moitié dans la communauté dissoute, qui a existé entre lui et Marie Catherine BASTIEN, son épouse défunte, qu’en sa qualité de père et tuteur légal de ses deux enfants mineurs sans état demeurant avec lui issus de son mariage avec son épouse défunte et nommés: Marie JEANDEL, née au Mont le trente novembre mil huit cent cinquante sept ; et Marie Catherine JEANDEL; née au même lieu le douze avril mil huit cent cinquante neuf. Ces deux mineurs habiles à se dire et porter héritières chacune pour moitié de leur dite mère, et comme telles agissant aux présentes pour l’autre moitié, dans cette communauté. Il a été pour la sureté et la conservation des droits de tous intéressés notamment de ceux des susdites mineures. Procédé, sous la réserve expresse de tous droits et actions. Par nous, M(aître) Augustin COMOND, notaire au canton et à la résidence de Senones (Vosges) et en présence des témoins ci-après nommés, tous soussignés. A l’inventaire volontaire et sans opposition de scellés, des facultés actives et passives mobilières et immobilières composant la communauté dissoutes des époux JEANDEL et la succession de Marie Catherine BASTIEN, et le tout comme s’en suit: « |
Il est donc temps à présent de voir le coeur de l’inventaire après décès:
Les biens et effets cités dans l’inventaire:
L’inventaire va suivre l’ordre de visite des différentes parties du logement de nos ancêtres. Chaque pièce sera traversée et dans chacune d’entre elles les objets, documents s’y trouvant seront cités et estimés! De quoi avoir une rapide idée de la richesse de nos ancêtres. C’est donc une liste que le notaire établit. On peut donc comparé les évolutions du mode et style de vie de nos ancêtres au long des siècles. Véritable source d’histoire brute. L’inventaire témoigne des progrès techniques, des nouvelles découvertes, des cultures, industries et aussi de la langue locale! Il était assez courant que des objets de quotidien soient nommés selon les appelations locales dans les inventaires de l’Ancien Régime.

- « Item un fuzil-vieille arquebuze prisé trois livres.
- Item deux bancs de vieux bois usé.
- Item deux cribles aussy usé.
- Item une flouraine et deux boisseux et un demi-quartier prise ensemb trente cincq sols.
- Item cincq baguetieres de bois et un petit barille fon defectueux prises vingt sols.
- Item un saloir aud[it] chair de pren(?) salé dedans letout estimé trente quatre livres.
- Item un vas assez usé prisé quinze sols.
- Item une paire de torches , et un pandan audleu Sanghen prisé ensemble estimé quarante sols.
- Item le lit garni delad[ite] veuve.«
Avec cet extrait de l’inventaire, on découvre déjà une richesse matérielle du foyer YVART. Le couple disposait de nombreux objets, aussi bien utile à l’exercice de la profession, que pour le foyer commun. On découvre également dans l’inventaire de 1677 des anciennes monnaies: la livre et le sol (ou sous). Une livre vaut 20 sols et un sol, 240 deniers. L’orthographe se différencie également de celle que l’on connaît aujourd’hui! En comparaison, l’inventaire de 1864 se présente comme étant plus « lisible ».

« à la cuisine:
Une crémaillère, une hachette, une hache, un pot en fonte, une casserole, six assietes en faience, un bol, un saladier, une cruche, une passoir, une poche, un pot de camp, une lanterne, un passe lait, deux crocs, deux fossoirs, une bêche, le tout estimé à quinze francs septante cinq centimes.«
A chaque époque, les notaires « découpent » différemment le contenu de l’inventaire. Pierre MIELLET distingue les parties suivantes: « la maison mortuaire, les vaches et autres bestiaux, dans le grenier, dans les granges, debtes actives de la communauté, debtes passives ». Pour Augustin COMMOND, l’inventaire se présente ainsi: « communauté meubles et effets, à la cuisine, au grenier, à la grange, à l’écurie, hors de la maison, or et argent, créances actives, dettes passives, immeubles, succession, déclaration, titres et papiers ».
Les dettes citées dans l’inventaire:
Dans les inventaires, deux types de dettes sont citées. les actives, ou créances actives correspondent à ce qu’une personne tiers doit à la communauté au moment de l’inventaire. En opposition, les dettes passives sont celles que la communauté doit à d’autres personnes. Ainsi, en comparant nos deux inventaires, la communauté JEANDEL a comme dette active 25 francs que le frère de Nicolas, Joseph lui doit. Dans le cas de l’inventaire de Jacques YVART, on y apprend que François LELEU et Gratien GUERLAIN doivent respectivement 32 et 87 livres à la communauté.
Concernant les dettes passives, la liste est plus longue. On y trouve dans ces dernières des listes de prêts, emplois ou « loyer » qui peuvent être cités! De quoi estimer le « coût de la vie » et les « charges » d’un foyer à une époque donnée. Par exemple, la communauté YVART doit au Sieur de CAMBRY 12 livres du reste « du terme de noel a la demy anne qui cour dont le terme a S(ain)t-Jean prochain pour jouissance de la ferme », soit le 24 juin 1677. On pourrait donc grossièrement résumer cette dette comme le « loyer » du couple. On y découvre aussi les sommes versés aux différents « employés » de la maison. Roboam LECONTE, le valet de la famille doit toucher 19 livres et 10 sols. Charlotte LEROUX, la servante elle doit toucher 14 livres et 6 sols. On découvre également les payements dus à d’autres professionnels: marchands, maréchaux. L’inventaire de 1864 quant à lui indique les prêts de la communauté, et les dettes dues à divers habitants du Mont pour « ouvrages de culture, conduite de bois et fermages de pré et champ ». Une formule plus moderne pour désigner les mêmes types de dettes.

A Charlotte LEROUX, servante, quatorze livres six sols.
Au Sieur Bertrand QUANDALLE, march(an)d à Samer, onze livres pour marchandise.
Item à Gabriel FERON, mareschal, huict livres.

2. Joseph BAZELLAIRE, tailleur de pierres au Mont, la somme de cent deux francs en principal et intérêts ci.
3. Nicolas BASTIEN, cultivateur au Mont pour prêt en principal et intérêt, nonante cinq francs.
4. Jean-Baptiste LEMAIRE, cultivateur au Mont, en principal et intérêts pour prêt, la somme de cinquante un francs ci.
La conclusion de l’inventaire:
L’acte se termine par l’attestation qu’aucun objet n’a été caché, détourné afin de nuire à sa bonne réalisation. On peut ensuite trouver la somme totale estimée de l’inventaire à laquelle peut-être déduite d’autres frais. Les témoins et les invités signent ensuite le document pour l’authentifier. Ainsi dans le cas de l’inventaire de Jacques Yvart on trouve une évaluation de la valeur de cette inventaire, et un détail intéressant dont voici la transcription:
« Laq[ue]lle estima[ti]ons et total se montant à la so[mm]e de deux milles huict cent l[ivres] (XXCVIII) de butin et dez debtes passives, la part des enfants porte quatorze cens trente huict livres sur laq[ue]lle elle a encore? déduit les frais funéraires qui sont la seule charge des enfants lesquels demeureront et seront logés nourris et entretenus chez eux. »
On apprend donc que c’est aux enfants mineurs de subvenir aux besoins de l’inhumation de leur père, probablement que le remariage d’Anne a fait que son second époux n’a peut-être pas voulu prendre en charge les frais de sépulture…

La fin de l’inventaire comme tout acte notarié ne doit pas être négligée dans les recherches! C’est en effet sur cette partie qu’on trouvera les signatures des individus! Or, plus on remonte dans le temps, plus ces dernières sont nécessaires comme marqueur d’authentification de l’identité d’une personne. A défaut de photographies, les signatures uniques pour chaque individu sont des véritables empreintes digitales!


A présent, c’est à vous de vous lancer à la recherche de ces archives!
J.D

2 réponses à “Les archives notariales: les inventaires après décès.”
Pour l’inventaire de 1677, la transcription est souvent erronée. Par exemple, il faut rétablir : « Lesquelz biens ont esté representez, exhibez et mis en evidence par ladicte LELEU, veufve, et ses domestiques, après serment. »
Par ailleurs, il est dommage que vous n’ayez pas parlé de la rubrique « titres et papiers », présente dans la majorité des inventaires après décès, et qui en constitue l’un des principaux intérêts : cette rubrique énumère tous les actes importants (contrats de mariage, testaments, inventaires après décès, partages, donations, titres de propriété etc.) concernant la famille du défunt, souvent sur plusieurs générations.
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Je vous remercie pour votre retour!
N’étant pas professionnel, j’ai encore beaucoup de progrès à faire pour lire les actes anciens en respectant au mieux l’orthographe de l’époque . C’est pour ça que je préfère « censurer » mes transcriptions par des « ? » ou « […] » pour éviter de laisser cours à des mauvaises lectures. Je prends note de votre transcription et vais rectifier le passage!
Concernant « les titres et papiers », je n’ai pas développé cette section car je la rencontre très rarement dans les inventaires du 17e-18e sur le Boulonnais, région dans laquelle j’effectue la plupart de mes recherches. Mais elle fournit en effet des renseignements importants lorsqu’elle est présente!
Encore merci!
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