Ons-aieux

Vie d’un enfant abandonné: Arsène BOTMAN (sosa 54)


Aujourd’hui, c’est un nouvel article sur la famille BOTMAN que je vous écris en vous présentant les origines du père de Georgina, ma Sosa 27 qui fut sujette à un article relatif à sa vie et celle de son mari Louis Vital MERLOT . Son père était Arsène Georges BOTMAN. Sa vie, représente un cas intéressant pour des recherches généalogiques. Il m’a permis en effet de confronter à la fois les archives parisiennes, celles de l’Assistance publique mais aussi des archives étrangères en faisant pour la première fois des recherches hors France, en Belgique.

1. Arsène BOTMAN (1851-1931)

A. Au commencement des recherches:

C’est un 29 août 1931 qu’Arsène décède. Alors âgé de 80 ans, il vivait à Bernieulles avec sa femme Mélanie Marie Julie MAGNIER. Le couple a eu au total 11 enfants dont le destin tragique de certains comme Nestor ou Charles ont déjà été évoqués auparavant sur le site. Le couple se marie à Beussent, village situé à l’est de Bernieulles, le 24 novembre 1877. Cet acte sera le premier à souligner la particularité de la généalogie d’Arsène. On y apprend que ce dernier, domestique de profession, né à Paris le 3 avril 1851, est un élève de l’Assistance publique « fils majeur d’Adolphine BOTMAN et de père non dénommé ». Mais c’est pourtant dans le département du Pas-de-Calais qu’Arsène est enregistré pour son inscription militaire. On y apprend qu’il faisait 1m65 et était membre du 7e régiment d’infanterie territoriale. Encore une fois, il est présenté comme élève des hospices. C’est donc sur la capitale que les recherches vont être menées. Or, on le sait les archives parisiennes donnent du fil à retordre à tous les généalogistes y ayant des ancêtres.

Source: 5 MIR 123/4 142/203, archives départementales du Pas-de-Calais

B. Les recherches sur Paris:

Pas besoin de raconter encore une fois l’histoire de la perte des archives parisiennes, bien trop connue des généalogistes. Les registres et archives de la ville antérieures à 1870 ont pratiquement brûlé en entièreté lors de la Commune. Il est donc très difficile de pouvoir remonter ses ancêtres parisiens même si des sources existent! L’une d’entre elle est l’état civil reconstitué. Effectué majoritairement à partir des doubles des actes paroissiaux conservés au sein de l’Archevêché parisien, il permet d’identifier les paroisses dans lesquelles ont été baptisés, mariés ou sont décédés nos aïeux avant 1859. Dans le cas d’Arsène, deux fiches étaient disponibles. L’une de l’état civil indiquait sa naissance le 9 avril 1851 dans l’ancien 10e arrondissement de Paris. L’autre indiquait sa naissance le 23 avril 1851 à l’Abbaye aux bois de Paris. L’existence de ces deux documents s’expliquent par les deux campagnes de reconstitution de l’état civil, une effectuée en 1872 et une en 1942. Pour continuer mes recherches, j’ai décidé de me focaliser sur le document le plus précis et mentionnant la même date de naissance que sur son acte de mariage.

En se basant sur ce dernier, on y trouve la mention de l’Abbaye aux bois. Aujourd’hui disparue, cette ancienne abbaye devenue couvent puis maison d’éducation au cours du 19e siècle détenait des registres paroissiaux. C’est donc en demandant aux bénévoles du fil d’Ariane de consulter la côte D6J 3143 des archives de Paris, que j’ai pu retrouver l’acte de baptême d’Arsène! A défaut d’acte de naissance, j’espérais que l’acte de baptême allait nous en apprendre plus sur sa famille. Voici la transcription de ce dernier:

Le vingt-trois Avril mil huit cent cinquante et un a été baptisé, Arsène, Georges, né aujourd’hui, rue du Cherche-midi 2. Fils de Adolphine BOTMAN, 12, rue des Champs Elysées: le parrain Marcel DANTIN, rue Cassette n°36, la marraine Marie, Adélaïde MICHEL v(eu)v(e) BORDET rue du Cherche-midi n°26. Lesquels ont signé avec nous.

Baptême d’Arsène Georges BOTMAN, Abbaye aux bois, Archives de Paris, D6J 3143

Malheureusement, ce dernier confirme ce que nous savons déjà. Arsène est né d’un père inconnu et je n’avais à ce stade aucune information supplémentaire sur sa famille. C’est donc vers les archives de l’Assistance publique parisienne que j’ai décidé de me tourner pour essayer d’en apprendre plus. Les archives de Paris présentent de manière claire sur leur site l’histoire administrative des enfants assistés de Paris. En demandant sur le groupe Facebook « Nos ancêtres « enfants trouvés des hospices », j’ai pu apprendre que les archives avaient conservé le dossier d’admission et de placement de mon ancêtre. Comme leurs noms l’indiquent, le premier concerne l’admission des enfants au sein des établissements parisiens, le nom de sa mère et parfois le motif de l’abandon. Le second concerne l’endroit où a été placé l’enfant, avec parfois des informations relatives à sa scolarité, la famille d’accueil ou autre. Dans le cas d’Arsène, les documents étaient contenus sous les cotes 2Mi2 39 et D5X4 19 matricule 3147 de l’année 1851 pour son dossier de placement.

Son dossier de placement est relativement pauvre en information. On y apprend cependant qu’Arsène a été admis le 21 octobre 1851. Cependant son acte de naissance reconstitué donne la date d’admission au 17 octobre. Dans tous les cas, on sait qu’il a été placé en 1863 chez Jean-Baptiste CHARTAUX (1819-1869), cantonnier à Cormont, village voisin de Bernieulles et Beussent. On découvre au sein du dossier les devoirs et engagements que les parents nourriciers devaient respectés envers l’enfant qu’ils accueillaient dont voici la liste transcrite:

Administration générale de l’assistance publique à Paris

Enfants assistés

Catégorie enfant: Abandonné

Placement d’élève au-dessus de 12 ans

ENGAGEMENT

Les soussignés CHARTOT J(ean)-B(ap)t(iste) profession de cantonnier demeurant à Cormont arrondissement de Montreuil et FRANCOIS Martine son épouse, qu’il autorise à l’effet du présent, s’engagent solidairement, envers l’Administration de l’Assistance publique à Paris, à remplir les conditions ci-après, à l’égard de l’Elève qu’ils prennent en placement.

  1. A le garder chez eux jusqu’à seize ans;
  2. A le traiter avec bonté et douceur et comme leur propre enfant;
  3. A l’élever dans la religion catholique, et à lui en faire remplir tous les devoirs;
  4. A le nourrir, blanchir et entretenir de tous vêtements, pendant toute la durée du présent Engagement;
  5. A lui donner ou faire donner une instruction convenable, en l’envoyant aux écoles publiques;
  6. A lui apprendre ou faire apprendre un état qui puisse le mettre à portée de subvenir à ses besoins, ou à l’occuper aux travaux de la campagne, s’il n’existe dans la commune aucun genre d’industrie;
  7. A ne jamais le renvoyer de chez eux, et, dans le cas où ils en auraient à s’en plaindre, à en prévenir le Sous-Inspecteur qui en réfèrera l’Administration avant de le renvoyer à l’Hospice;
  8. A ne point le remettre à une autre personne, pour quelque cause que ce soit, sans en avoir reçu autorisation de l’Administration;
  9. A le faire soigner dans le cas où il serait malade:
  10. A faire toutes les démarches nécessaires pour le retrouver, dans le cas où il s’évaderait, et à donner, dans les vingt-quatre heures, connaissance de l’évasion au Maire de la commune et au Sous-Inspecteur;
  11. A le représenter toutes les fois qu’ils en seront requis par l’Administration, ou, en son nom, par le Sous-Inspecteur;
  12. A le remettre immédiatement entre les mains du Sous-Inspecteur, dans le cas où il en recevrait l’ordre, et ce, sans que l’Administration soit tenue de payer aucune indemnité;
  13. A remettre à l’Elève, à l’expiration du présent engagement, un trousseau d’une valeur de soixante francs au moins dont la composition sera déterminée par le Sous-Inspecteur;
  14. A verser entre les mains du Sous-Inspecteur pour le compte de l’Elève la somme totale de vingt-cinq francs payable aux époques ci-après.

le ? de juillet 1863.

On voit donc que cette liste se doit de permettre à l’élève une éducation décente et d’assurer le plus rapidement possible son autonomie financière et son intégration dans la société, commune dans laquelle il se trouve. Pour Arsène, l’intégration se fera par le travail, en devenant domestique agricole, mais aussi par son mariage en 1877. Pour ce dernier, une lettre écrite sera adressée à l’Assistance publique par ce dernier pour demander son acte de naissance. Cette dernière n’a certainement pas été écrite par Arsène lui-même puisqu’il est incapable de signer sur son acte de mariage. Cependant cette lettre nous en apprend davantage sur les relations d’Arsène avec sa mère, elles sont en effet inexistantes. Arsène n’a apparemment plus eu de contact avec celle-ci après son placement puisqu’il ne connait pas son nom ou du moins ne le mentionne pas. Pourtant, Adolphine ne s’est pas tant éloignée du lieu de naissance de son fils. C’est donc sa vie que je vais essayer de vous présenter pour essayer de comprendre cet abandon et une piste sur l’identité du père d’Arsène.

Monsieur le Maire,

Etant sur le point de contracter mariage, je viens respectueusement vous prier de vouloir bien demander à l’autorité compétente le rétablissement de mon acte de naissance, s’il y a lieu, ou, à défaut, le procès verbal d’exposition, qui prouvera que mes parents sont inconnus.

Je joins à la présente demande une feuille de renseignements qui pourra servir au besoin.

Je suis avec respect,

Monsieur le Maire,

Votre très humble serviteur,

Arsène Georges BOTMAN

le 1er 7bre (septembre) 1877.

2. Adolphine BOTMAN (1820-1898):

A. Débuter l’enquête:

Carte thermique de la localisation du nom BOTMAN sur Geneanet: https://www.geneanet.org/nom-de-famille/BOTMAN

D’Adolphine je ne savais rien si ce n’est que son nom de famille avait des consonnances flamandes. Les destructions de l’état civil parisien me laissaient peu d’espoir pour espérer trouver une naissance ou un mariage avant 1859. Je me suis concentré donc sur les actes de décès en espérant qu’elle soit décédée à un âge relativement avancé. D’autant plus que la consultation de la carte des noms de Geneanet confirmait mon hypothèse d’une origine flamande. Le nom est en effet porté davantage en Belgique et au Pays-Bas. Ainsi, après quelques heures de recherches en consultant les tables décennales des décès des arrondissements de Paris, j’ai pu retrouver son décès dans le 10e arrondissement le 14 avril 1898 dont voici la transcription:

« L’an mil huit cent quatre vingt dix huit, le quinze avril à midi, acte de décès de Adolphine BOTMANN; âgée de soixante dix sept ans, ménagère, née à Tupis (Belgique) domiciliée faubourg Saint-Martin 199, décédée rue Ambroise Paré 2 le quatorze avril courant à dix heures du matin. Fils de Martin BOTMANN et de Marie LEHMANN époux décédés: veuve de Louis Léon VILAIN; dressé par nous Antoine BONNET, Maire, officier de l’état civil du dixième arrondissement de Paris, chevalier de la légion d’honneur sur la déclaration de Paul CARNE, trente sept ans: et de Renée RAOUL, trente huit ans, employés rue Ambroise Paré 21 qui ont signé avec nous après lecture.« 

V4E 9024, 22/31, Archives de Paris.

Que nous apprends cet acte? Déjà qu’Adolphine était mariée avec un certain Louis Léon VILAIN. Qu’elle est décédée à l’hôpital Lariboisière situé au 2 rue Ambroise Paré (j’attends la numérisation de l’année 1898 pour consulter son dossier d’admission). D’autre part qu’elle habitait à ce moment-là 199 faubourg Saint-Martin, une adresse que l’on retiendra pour plus tard. Enfin qu’elle était belge, native de Tupis. Cette ville se révèle être Tubize dans le Brabant-Wallon non loin de Bruxelles. C’est dans cette commune, au sein du Royaume des Pays-Bas qu’Adolphine voit le jour en 1820. Elle est fille de Martin BOTMAN (1790-1856), journalier, soldat napoléonien de 1811 à 1813 promu grenadier et qui poursuivra sa carrière dans l’essor du chemin de fer belge; et de Marie Catherine DEMAN (1795-1864). Alors que la plupart de ses frères et sœurs resteront en Belgique où certains profiteront de l’essor du rail pour gravir l’échelon social, Adolphine suivra une voie différente qui l’amène jusqu’en France.

Source: https://www.familysearch.org/ark:/61903/3:1:9398-N421-9?i=134&cc=1482191&cat=267766

« L’an mil huit cent vingt le cinq novembre à deux heures de relevée, par devant nous mayeur, officier de l’Etat civil de la commune de Tubize, canton de Nivelles, Brabant méridional, est comparu BOTMAN Martin, âgé de trente un ans, journalier, né et domicilié à Tubize, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, né ici aujourd’hui à cinq heures du matin de lui déclarant et de Marie Catherine DEMANNE âgée de vingt-cinq ans, fileuse, née et domiciliée en ce lieu, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Adolphine Marie Josèphe. Lesdites déclaration et présentation faites en présence de Nicolas DEPAUW âgé de trente quatre ans, cordonnier, et de François PARENT âgé de soixante six ans, charon, domiciliés à Tubize. Et ont les père et témoins signé avec nous le présent acte après lecture excepté le père qui a déclaré ne savoir écrire.« 

B. Parcours d’une vie:

Carte topographique de Belgique (1846-1854)

C’est en 1848 qu’on retrouve la seconde mention dans les archives d’Adolphine. On la retrouve comme mère d’un Philippe, né le 23 avril (même jour qu’Arsène), rue Pacheco. Elle y est déclarée comme servante et demeurante à ce moment à Tubize. Son fils sera placé chez ses grands-parents où il décède le 1er septembre 1849. A ce moment-là, Adolphine est présentée encore une fois comme servante mais vivante en France, sans mention d’une ville particulière. C’est donc probablement pendant l’année 1848-1849 qu’Adolphine immigre en France. Il est fort probable qu’elle est quittée son pays comme beaucoup de belges pour chercher une meilleure vie et du travail en France qui alors connait une croissance importante. On l’a retrouve ensuite au baptême d’Arsène mentionné plus haut. En octobre de la même année alors qu’Arsène est en train d’être placé à l’Assistance publique elle passe deux actes devant le notaire SEBERT à Paris. Une procuration le 15 octobre et une décharge le 22 octobre. Ces deux documents sont assez interpelant par leur contenu et leur date. Je vous les présente aujourd’hui.

15 octobre 1851

Procuration par M(ademois)elle BOTMAN

Par devant Me Louis Eugène SEBERT et son collège, notaires à Paris, soussignés, a comparu Mad(emois)elle Adolphine Marie Josephe BOTMAN, célibataire majeure, domestique, demeurant à Paris, rue Sainte-Anne n°55.

Laquelle a, par ces présentes, constitué pour son mandataire aux effets ci après,

Mr Antoine GUILLOTTE, rentier, demeurant à Paris, rue de Grenelle Saint-Germain n°49, à ce présent.

A ce présent et ce acceptant.

Auquel elle a donné pouvoir de, pour elle et en son nom, vendre et transférer au cours de la bourse que le mandataire jugera convenable, une inscription de rente de cinquante francs, cinq pour cent, portée au grand livre de la dette publique sous le numéro 126,881, série 2e, au nom de la comparante.

Commettre à cet effet tous agents de change, signer tous transferts en recevoir le prix.

Donner toutes quittances et décharges, signer tous acquits et émargements, faire toutes déclarations et affirmations nécessaires, et généralement faire le nécessaire promettant l’avouer.

Dont acte:

fait et passé à Paris, en l’étude dudit Me SEBERT; l’an mil huit cent cinquante et un, le quinze octobre.

Et après lecture faite, M(ademois)elle BOTMAN ayant déclaré ne savoir signer, de ce interpellée par les notaires soussignés, conformément à la loi, Monsieur GUILLOTTE a signé seul avec lesdits notaires.

Source: MC/ET/XLIV/1028, Archives nationales.

Par devant Me DEMANCHE et son collègue, notaire à Paris, soussignés, ledit Me DEMANCHE substituant Me SEBERT, son collègue, aussi notaire à Paris, momentanément absent.

A comparu

M(ademois)elle Adolphine Marie Josephe BOTMAN; célibataire majeure, domestique, demeurant à Paris, rue Sainte-Anne n°55.

Laquelle a, par ces présents, reconnu que Monsieur Antoine GUILLOTTE, rentier, demeurant à Paris rue de Grenelle Saint-Germain n°49, ici présent.

Lui a remis ce jourd’hui, la somme de neuf cent deux francs, quinze centimes, montant net, déduction faite du droit de courtage et de timbre, d’une négociation faite par le ministère de Mr HUBERT agent de change à Paris, d’une inscription de rente cinq pour cent, porté au grand livre de la dette publique sous le numéro 126, 881, série 2e au nom de la comparante, et ce par l’ordre de Mr GUILLOTTE ayant agi comme mandataire de M(ademois)elle BOTMAN en vertu de la procuration qu’elle lui a donné suivant l’acte passé devant Me SEBERT, notaire à Paris, le quinze octobre dernier, enregistré, et dont la minute précédente.

Au moyen de quoi, ladite demoiselle comparante, le quitte et décharge de tout ce qu’il a pu faire par suite de son mandat.

Dont acte

Fait et passé à Paris en l’étude de Me SEBERT. L’an mil huit cent cinquante et un le vingt deux octobre. Et après lecture faite, M(ademois)elle BOTMAN, ayant déclaré ne savoir signer, de ce interpellée par les notaires soussignés, conformément à la loi, Me GUILLOTTE a seul signé avec les notaires ces présentes qui seront portées sur les répertoires de Me DEMANCHE notaire substituant de Me SEBERT notaire substitué mais resteront au rang des minutes de ce dernier.

Source: MC/ET/XLIV/1028, Archives nationales.

Ces deux actes devant notaire posent question. Pourquoi Adolphine aurait demandé une procuration afin de pouvoir retirer son placement en bourse seulement deux jours avant l’abandon de son fils? Cet argent lui a t-il servi à devoir payer des frais liés à cet abandon? A pouvoir s’éloigner de Paris? La somme de 902, 15 francs retirés de ce placement est assez conséquente et la date de son retrait n’est pas anodine. De plus, qui était Antoine GUILLOTTE son mandataire? Habitant rue de Grenelle Saint-Germain il est dit rentier. Serait-il possible qu’Adolphine l’est connue en travaillant pour lui? N’appartenant pas à la même classe sociale, il serait probable qu’un lien professionnel les relie. D’autant plus qu’Adolphine exerçait la profession de domestique, c’est-à-dire d’employé au service d’une famille noble ou bourgeoise. Finalement, c’est à Montmorency, dans le Val-d’Oise qu’Adolphine s’établit. En 1852, elle y épousera le 18 septembre Léon Louis VILAIN, maçon, originaire de cette ville. Le couple aura trois enfants: Henriette Eléonore (1854-1930), Clément Léon (1856-1879), Alphonsine Pauline (1859-1861). Ils déménageront vers 1861 dans la commune limitrophe de Soisy-sous-Montmorency. C’est dans celle-ci que Léon décède le 22 octobre 1884. On perd alors la trace d’Adolphine jusqu’à son décès. De cette demi-famille, il est très probable qu’Arsène n’en ait jamais entendu parlé. Comme beaucoup d’enfant abandonné, il a du forger la sienne, sans espérer un jour connaître les raisons de son abandon. La généalogie est ainsi une manière d’essayer de recoller les pièces d’un puzzle dont personne n’a touché auparavant. Pour autant, l’une de ces pièces restent un mystère. La lignée paternelle d’Arsène reste inconnu, mais il existe pourtant une piste, une hypothèse que je vais vous soumettre.

3. Mais qui est le père?

L’un des principaux suspects dans cette enquête a été évoqué auparavant. En effet quelques indices pourraient laisser planer qu’Antoine GUILLOTTE pourrait être le père d’Arsène. Pour autant, par manque de preuves, ces suspicions restent hypothétiques.

Antoine Charles Préau GUILLOTTE de son vrai nom est né à Paris, ancien 2e arrondissement le 30 octobre 1826 et est décédé dans le 10e arrondissement le 23 novembre 1894. Il exerce de 1850 à 1859 en tant qu’imprimeur-lithographe dans le quartier des Archives. C’est en 1846 qu’il épouse sa première femme, Joséphine IVANISKY, fille d’un prisonnier de guerre polonais originaire de Kamianets-Podilskyi. Le couple aura trois enfants connus avant le décès de Joséphine en 1854. L’année suivante, Antoine épouse Pauline ZELLER avec laquelle il restera jusqu’à la fin de sa vie. Aucune descendance n’est pour l’instant connu de son second mariage. Ainsi, si Antoine serait le vrai père d’Arsène, la naissance serait le fruit d’un adultère. Les quelques arguments en faveur de cette hypothèse sont les suivants:

  • La désignation d’Antoine en tant que mandataire d’Adolphine pour la procuration et la décharge devant maître SEBERT indique probablement qu’il s’agissait d’une personne de confiance pour Adolphine. Il est clair qu’Adolphine a du effectuer ce retrait dans l’urgence de l’abandon de son fils. Cependant, sa qualité d’étrangère, peut instruite, voir même son statut de femme et social ont pu posé obstacle au retrait même si la Seconde République représente une période d’avancée dans ce domaine par rapport à la Restauration . C’est pourquoi la désignation d’un mandataire tel qu’Antoine a pu être requise.
  • Antoine est décédé 87 Faubourg Saint-Martin en 1894 à son domicile. En 1898, Adolphine décède 199 Faubourg Saint-Martin soit à 900 mètres du domicile d’Antoine. Il est assez perturbant qu’ils résidaient si près l’un de l’autre, sachant qu’Adolphine vivait sur Montmorency auparavant. Simple coincidence?
  • L’enregistrement dans les tables de succession de Paris donne Antoine célibataire, exerçant la profession d’artiste dramatique mais avec le bon âge et adresse même si le nom est devenu Antonin. Une erreur?
  • Les deux partis de cette enquête ont tous les deux été enterrés au sein du cimetière parisien de Pantin. Antoine au sein de la 33e division, Adolphine en tranchée gratuite. Pourquoi Adolphine n’a-t-elle pas été enterrée à Montmorency ou probablement son mari a du être inhumé, le cimetière de Pantin n’ouvrant qu’en 1886.
DQ8 2041 18/172, Archives de Paris

Quoi qu’il en soit, des recherches complémentaires devront être menées. D’abord en se rendant dans les cimetières à la recherche des sépultures. Si elles existent encore, du moins celle d’Antoine GUILLOTTE, elles pourraient donner des renseignements cruciaux selon les individus qui sont inhumés ou non avec. Aussi en consultant davantage de ressources complémentaires sur Montmorency, Soisy-sous-Montmorency, Paris. Peut-être que des actes notariés ou relatifs à l’immigration pourraient fournir des informations complémentaires. Enfin l’ADN pourrait-être un outil pertinent pour essayer de trouver une parenté avec des descendants GUILLOTTE.

Dans tous les cas, ce cas a montré comment la recherche d’enfants assistés/abandonnés se révèle passionnante mais aussi complexe. Elle permet de découvrir des branches insoupçonnées sur notre arbre (ancêtre étranger ici) et amène à se questionner sur les raisons de cet abandon. Pour autant, la famille BOTMAN et après MERLOT-BOTMAN semble avoir été reconnaissant envers ceux qui ont permis à Arsène de grandir. Puisque ce dernier deviendra lui même avec sa femme famille nourricière en accueillant Désiré MARTY (1897-1958).

Aujourd’hui le patriarche BOTMAN repose avec sa femme et son fils Charles, mort pour la France, au sein du cimetière communale de Bernieulles. 92 ans après sa mort, c’est une histoire commune au 19e siècle, celle de l’immigration belge et des enfants des hospices de la Seine qui repose en ces lieux.

11 octobre 1954, tombe BOTMAN-MAGNIER

J.D


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